Lablarin'
On entends les
vagues, venir lécher le sable, la roche ou des pontons de bois. On
écoute une multitude d'oiseaux marins qui se houspillent. Le voile
s'ouvre sur un nouveau monde alors que l'astre-roi local se lève,
tout juste. On se retrouve, à proximité d'un immense bateau.
Celui-ci est amarré au ponton principal. Sept mâts nous toisent de
toutes leurs hauteurs. Construit avec le bois le plus noble, il
brille comme si il venait de sortir du chantier naval. Déjà,
plusieurs couples s'activent, à bord. De l'autre côté, une rue
monte en pente douce, vers ce qui ressemble à de hautes montagnes.
De belles maisons en pierres et bois se dressent fièrement, de part
et d'autres d'une rue dallée. Parfois, de gros rochers ont forcés
les bâtisseurs à le contourner. Ailleurs, on profite d'un défaut
de la chaussée, en l'ornementant d'une belle fleur colorée.
Souvent, devant les maisons, on a un parterre de plantes vivrières.
Enfin lorsqu'il y a un croisement, on trouve un arbre fruitier, au
bon milieu.
Les villageois se
réveillent. Le premier détail qui surprend concerne le crâne
chauve de tous les hommes et de tous les garçons. Le second que l'on
remarque vient de leurs habitudes à marcher pieds nus. Enfin, le
troisième détail est le plus surprenant mais il ne se voit pas
forcément au premier abord. La couleur de leurs peaux change, en
fonction de leurs humeurs, de leurs états de fatigues, de leurs
émotions. Les enfants portent des vêtements (robes, pantalons,
shorts, chemises, pulls ou T-shirt) d'un blanc limpide. Pour les
adolescents, ils sont couleurs crèmes. Les jeunes adultes portent du
jaune. Si leurs cœurs sont pris, ils passent au orange. Une fois
mariés, ils revêtent du vert. Lorsqu'ils ont des enfants, ils sont
en bleus. Enfin, les grands-parents et plus sont tout de rouges
vêtus.
Ceci comprit,
notre rêveur est surpris de croiser un homme portant des vêtements
violets. Dés que quelqu'un le croise, il y a embrassades.
_ Comment va le
Prêtre de Lablarin' ?
_ Très bien....
Normalement, on reçoit de la visite !
_ De qui ?
_ Tallyrra !
Tous lèvent la
tête, dans l'espoir de voir quelque chose.
_ Quand ça ?
_ Ils ne devraient
pas tarder...
_ Avec des
Cornesdâges, comme d'habitude ?
_ Bien évidemment.
Un hennissement
puissant provoque la levée des têtes, vers les cieux. Une douzaine
de chevaux ailés de grandes tailles, percent les nuages. Ils ont le
pelage bleu et vert. Leurs ailes hésitent entre le bleu et le
violet. Une poignée d'entre eux se pose, au bout d'une rue
adjacente. Là-bas, il y a de petits jardins potagers ainsi qu'un
noyer et un cerisier. Au-delà, il y a une falaise, haute d'une
dizaine de mètres. Plusieurs humains descendent des Cornesdâges.
Ils sont nus. En même temps, c'est normal, ce sont des tallyrrans.
Après quelques caresses sur le museau de leurs amis quadrupèdes,
ils marchent en direction des villageois. Plusieurs visiteurs portent
un panier remplit de fruits et de légumes.
_ Bonjour, enfants
de la brume ! Qu'est-ce qui nous vaut cet honneur ?
_ Salutations,
esprits des mers et des montagnes ! Comme si, le Grand Prêtre
de Lablarin' ignorait la raison de notre présence, ici !
L'homme aux
vêtements violet sourit. Les embrassades fusent entre les deux
peuples. Les chevelures sèches des nudistes révèlent leurs natures
ondulées et la richesse de leurs colorations. On offre les paniers
de provisions puis on reçoit les remerciements d'usages. La petite
troupe prend la direction de l'édifice le plus élevée de la ville.
Pour ce faire, il faut escalader un bon millier de marches blanches.
De temps en temps, un chemin serpente au milieu de la roche pour
rejoindre une petite terrasse où pousse une multitude de fruits et
de légumes. Ailleurs, ce sont quelques petites maisons qui profitent
d'une vue imprenable. Des barrières de protections servent de
tuteurs pour certaines plantes vivaces, à l'instar des
framboisiers. Par endroits, les marches d'escaliers contournent un
arbre centenaire qui apporte moult fruits.
Le petit groupe
arrive enfin, tout en haut. Un vaste édifice circulaire trône de
toute sa splendeur. Des colonnes de styles grecques soutiennent un
toit monumental fait de pierres et de vitraux.
_ Veuillez me
suivre, chers Tallyrrans.
On entre alors, à
la suite des visiteurs, dans le temple local. Ils marchent sur du
marbre. Les mûrs sont constellés d'écritures et de dessins. Au
milieu de tout ça, il y a un bassin remplit d'eau. Du fait de la
présence du prêtre, des jets d'eaux s'activent.
_ En place,
Léallyana !
_ Je savais bien
que vous saviez.
A ce moment là,
le rêveur prend conscience de la présence d'un petit objet
circulaire qui se balance au bout d'un collier. Lui-même, étant
autour du cou de la jeune femme. Délicatement, elle s'immerge dans
le bassin. Elle s’assoit, dans la position du tailleur puis elle
ferme les yeux. Le prêtre, ainsi que les autres présents, en font
autant mais sur le sol en marbre. Un silence incroyable se fait. Les
jets d'eau fusionnent leurs flux pour en faire une sorte d'écran
virtuel. De ci, de là, une multitude de petits cristaux réagissent
en s'illuminant. Une ambiance tamisée se fait alors que les
premières images fusent. Le maître des lieux a les yeux clos.
Pourtant, il semble voir ce que l'attrapeur de rêve de Léallyana a
capté. Ses paupières font des micro-mouvements, comme si il rêvait.
Les autres convives ne perdent pas une miette du mini-film qui leurs
ait projeté. Ils y voient des gens vêtus avec d'étranges
habits.... Des pantalons bleus.... Des chaussures à talons
hauts..... Des voitures bruyantes... Des animaux en cages.... Des
animaux, victimes de la chasse.... Des chaînes de production avec
une multitude de bouteilles.... Un monument en fer.... Des scènes de
guerres.... Des pleurs.... De la colère..... Mais aussi des
rires.... Des enfants qui jouent.... Du sport.... Des animaux
terrifiants qui vivent heureux, dans la savane.... Des
portes-conteneurs géants.... Des trains à grandes vitesses.... Des
rues bondées.... De la course automobile.... Des avions... Des
fusées... Une navette spatiale.... Un gisement de pétrole.... Une
marée noire.... Un stade qui se lève pour célébrer une
victoire... Bref, tout un tas de choses qui semblent étrangères à
ce monde.
Le flux d'images
prend fin. L'écran aqueux se volatilise. La jeune femme quitte le
bassin alors que tous les cristaux reviennent à leur état normal.
Le maître des lieux en fait autant.
_ Il me semble que
c'est la première fois qu'un Tallyrrans nous offre un tel songe.
_ Verdict ????
Quelle signification a t'il ???
_ Bonne question,
jeune amie.... Comme toi, une petite centaine de personnes ont fait
le même genre de rêves que toi.... Par contre, nous ignorons quel
est ce lieu si étrange.... Le tout premier livre ou cristal de nos
nations racontent que nous sommes venus d'une autre planète....
Mais, pour beaucoup, il s'agit d'un mythe.
_ On a aucune
preuve de ça ?
_ Mis à part, ces
rêves et quelques lignes sur quelques livres antiques ???
Non... Par contre, les Obsidiens et les Azuréens se sont rendus
compte que deux ADN-SOURCES cohabitaient, sur notre planète.
_ Comment ça ?
_ Les nations de
Lyaluamma viennent de deux univers différents.... Qui nous a à
amené là et pourquoi ? C'est un mystère.... Toujours est-il
que les plus anciennes traces de civilisations ne remontent qu'à
plus de huit mille ans.
_ On en est
absolument sûr ?
_ Oui, puisque nos
archives remontent à plus de huit millénaires.
_ Et donc qui
partage la même ADN ?????
_ D'un côté, nous
avons les Hostéens, les Edéniciens et les Obsidiens... De l'autre,
on retrouve, outre les Azuréens, nous autres, les dix-sept cités de
la Confédération Iramienne, l'ensemble des civilisations des
continents Ceyltosia et Aseana... Sans oublier Valamour et Tallyrra,
bien sûr....
_ En même temps,
sans faire de mauvais esprits, on aurait pu s'en rendre compte tout
seul. On a cinq orteils à chaque pieds, ils en ont sept. On a cinq
doigts à chaque main, il en ont sept. Le plus petit d'entre eux
dépasse les quatre mètres, nous, on aimerait bien être à peine
moins petits.... Il y a eu des mariages entre les deux lignées,
comme vous dîtes, et personne n'a réussit à avoir d'enfants...
C'est curieux, non ???
_ Ceci dit, je vais
partager ce rêve avec mes alter égaux... Pour savoir ce qu'ils en
pensent.
_ Merci de votre
accueil.... Nous rentrerons lorsque les Cornesdâges se seront
reposées. L'humidité de notre île nous manque, rapidement.
_ Nous le
concevons.... Avant cela, vous êtes conviés au déjeuner de
l'amitié que l'on célébrera... Pour l'occasion.
Le défilé
d'images se désintéresse des humains. Il nous fait traverser
plusieurs rues pour stopper à quelques mètres de l'une de ses
Cornesdâges. Celle-ci se repose, à l'ombre d'un cerisier, avec une
vue imprenable sur le vaste océan.
15 décembre
2015
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