TALLYRRA
Le rêveur n'a pas
encore commencé à recevoir les premières images qu'une multitude
de senteurs viennent exalter son odorat. Il lui semble en reconnaître
quelques unes. Pour les autres, ils n'arrivent pas à lui associer le
nom d'une plante. Ce sont, maintenant, ses oreilles qui le
renseignent sur son lieu d'arrivée. Il reconnaît le vent qui
souffle dans une multitude de feuilles. Elles semblent si nombreuses
qu'il se croirait en forêt. Lorsqu'il reconnaît le son de la pluie,
sa peau réagit. Elle imite la sensation qu'une douche lui procure
car la température de cette eau est aussi chaude.
Enfin, le voile se
lève sur un nouveau flux d'images. De hauts arbres s'élèvent,
partout autour de lui. Des trombes d'eaux s’abattent sur ses
contrées. De vastes passerelles permettent le déplacement d'arbres
en arbres. Il y en a sur plusieurs étages. Elles sont suffisamment
larges pour pouvoir marcher à quatre de front. En y regardant de
plus près, on a l'impression de déambuler sur des branches
monumentales et plates. Les rambardes sont un mix de branches plus
petites et de grosses feuilles d'un vert profond. De petites
créatures vont et viennent à leurs guises. En les regardant mieux,
on reconnaît des poneys, mais ceux-ci ne sont pas plus grand qu'un
merle. Ils arrivent même à se faire courser par de petits oiseaux
aux ailes quasi-inexistantes et à la coloration digne des plus beaux
perroquets.
Un groupe d'êtres
humains s'approchent. Ils sont totalement nus. Leurs peaux sont d'un
blanc jamais vu, auparavant. Ils arborent de longues chevelures mais
le reste de leurs corps est imberbe. Bien évidemment, ils sont
trempés. Ceci dit, ils ne donnent pas l'impression d'être, sous la
pluie. Une jeune femme s'approche de notre rêveur. Elle l'embrasse.
Du coup, il prend conscience de sa présence dans cet ailleurs
inconnu. Son corps est mouillé mais il en a cure car il est dans un
hamac, dehors... Par une chaude nuit d'été et il n'est pas
impossible que la pluie tombe réellement sur lui.
_ Viens, on doit
aller s'entraîner....
Le groupe de
jeunes gens parcourt, à grande vitesse, la passerelle. De temps à
autres, ils descendent d'un étage puis bifurquent, tantôt vers le
Nord, tantôt vers l'Est. Les autochtones qu'ils croisent, on l'air
d'être jeune. En tout cas, les peaux ne sont pas ridés... Et, ce
même si certaines chevelures ont finit par virer au blanc ou au
gris. De temps en temps, ils passent devant une petite maison,
constituée d'une seule pièce. Un hamac permet de s'y reposer.
Un clignement
d'images plus tard, le groupe marche sur la terre ferme... Dans la
boue, plutôt. Ils passent devant un grand bâtiment circulaire où
trône une carte de la planète. Un gros point rouge est placé au
Nord-Est d'une île isolée dont les mensurations doivent être de
mille kilomètres. Centrée sur l'équateur, elle est entouré par
un vaste cercle gris, à l'intérieur duquel figure des nuages.
_ T'inquiètes pas,
Éternité, la dépression statique n'a pas bougée d'un iota.... Et,
tiens regardes, cela fait plus de quatre cent ans que la pluie ne
s'est pas arrêtée, ici-bas....
En contournant
l'édifice, ils passent devant plusieurs jardinières de fleurs très
colorées et très odorantes. Plusieurs espèces de papillons et de
bourdons se relayent pour collecter le pollen. Ils parcourent une
centaine de mètres avant de se trouver devant un édifice de forme
ovale. Un petit pont de bois permet d'enjamber une petite rivière.
Des cataractes servent de mûrs. De temps en temps, un pilier blanc
vient rappeler la nature artificielle des lieux. Les autochtones
traversent le flux d'eau. Ils descendent les trois marches qui
suivent et qui font le tour de la structure. Il n'y a pas de toit.
Juste une arche qui permet l'acheminement et le largage de l'élément
liquide. L'intérieur est spacieux.... Suffisamment pour accueillir
une petite centaine de personnes.
_ Bonjour, jeunes
gens.
Plusieurs femmes
les accueillent. Elles arborent toutes une marque de naissance, sur
l'un des fessiers, le bas-ventre ou sur l’omoplate. Ici, en
l’occurrence, il s'agit d'une licorne ailée. Leurs chevelures
contiennent une multitude de petites tresses. Les embrassades fusent.
_ Bonjour, les
prêtresses d'Ayana.
_ Bienvenue à vous
tous.... Aujourd'hui, nous allons vous faire passer votre examen
télékinétique de niveau trois.
Un cube d'un mètre
de côté, jusque là ignoré, est soudain, digne d'intérêt. De
couleur blanche, il intrigue le groupe de jeunes.
_ Comme tous les
humains de TALLYRRA, notre île bien aimée , vous devez être
capable de pouvoir soulever des charges lourdes.... Juste par la
force de votre esprit....
_ Pour passer à
l'étape suivante, il vous faudra amener cet objet de vingt-cinq
kilos jusque vers l'homme que l'on voit tout là-haut, dans les
arbres.
Avec la main, elle
leurs montre un homme qui fait de grands signes.
_ Un dernier
détail... C'est mon mari alors ne me l'abîmez pas.
_ Sans
indiscrétion.... Il est à combien de distance ??
_ Comme
d'habitude.... A cent mètres du sol et vingt-cinq vers le Nord.
Ces indications
permettent de mesurer la grande hauteur des arbres locaux. L'homme
semble loin de la cime de celui qui le soutient. Quant à leurs
diamètres, plusieurs hommes seraient nécessaires pour l'enserrer.
Un clignement
d’œil plus tard, la « compagne » de notre rêveur est
dans la position du tailleur. Elle se concentre, en fermant les yeux.
Lorsqu'elle les ouvre, le cube commence à s'ébrouer. Ses amis
reculent de plusieurs pas. Le silence est de mise. L'objet décolle.
Il tremble beaucoup mais sa trajectoire semble limpide. A présent,
il est plus haut que la jeune femme. Sans bouger d'un iota, la
tallyrranne suit avec attention, l'avancée de l'objet. Dans
l'assistance, la tension est à son comble. L'exercice commence à
traîner en longueur, la respiration de la télékinétique se fait
haletante. Le cube n'est plus très loin de sa destination. Tout
là-haut, l'homme recule un petit peu.
_ Bravo, Élise.
L'objet ayant
atteint l'objectif, c'est forcément un soulagement. Épuisée, la
jeune femme reçoit une petite douzaine de bisous puis de câlins de
félicitations.
_ Félicitations...
Tu vas pouvoir t'entraîner au niveau quatre.
A présent, c'est
au tour du rêveur de devoir passer son examen. Il imite sa compagne.
Il ferme ses yeux pour acquérir un peu de concentration puis
lorsqu'il les ouvre, il fixe l'objet qui se trouve, à nouveau, au
centre de l'édifice. Par contre, rien ne se passe comme espéré. Le
cube n'arrive pas à décoller mais manque de percuter l'une des
prêtresses. Alors qu'il pense avoir réussit à faire le plus dur,
l'objet bascule, tête en bas. Ses amis peinent à retenir leurs
émotions. La course folle de l'objet en lévitation, le fait
traverser, à plusieurs reprises, les mûrs d'eaux. Dans une dernière
embardée, il finit par percuter le rêveur qui, du coup, relâche
son attention. Et, c'est dans un grand fracas que se termine
l'expérience.
_ C'est pas
grave... J'ai dû m'y reprendre à trois fois pour réussir.... Et je
suis prêtresse....
_ … De toutes
manières, tu pourras retenter le coup, d'ici un mois... Mais la
prochaine fois, évites de guérir une Cornesdâges, la veille.
_ Quel est le
rapport ?
_ Tout,
justement.... Vous puisez dans votre énergie vitale et il faut
plusieurs jours pour récupérer.
_ Surtout quant on
connaît l'étendue de la blessure.... Et l'espèce, en question.....
_ D'ailleurs,
j'aimerais bien aller la voir....
_ Vas et emmènes,
Élise.... ça lui évitera de se ronger tous les ongles....
_ OK...
Un clignement
d'images plus tard, nous retrouvons le couple sur une vaste plage de
sable fin. La forêt n'est jamais bien loin. De fortes vagues
viennent rappeler que Tallyrra est, sous l'influence permanente
d’Éternité, une vaste dépression continentale. Quelques
autochtones se baignent, tranquillement tandis que les amoureux
reportent leurs attentions sur l'animal gigantesque qu'ils
approchent. Imaginez un cheval atteignant les quatre mètres au
garrot. Sur son museau, trône une ou plusieurs cornes à l’allure
cristalline. Enfin, il possède une paire de larges ailes.
L'envergure de celles-ci doit atteindre les neuf mètres.
Probablement, en train de dormir, il ne prête pas attention aux
humains qui marchent vers lui.
Lorsque le rêveur
touche le pelage du cheval, celui-ci sursaute puis il hennit. Un coup
d’œil de chaque coté pour mieux voir qui l’importune. Ensuite,
il communique par l'esprit.
_ Comme ça, tu te
décides à venir voir ton patient !
_ Oui et comment
vas-tu ?
Il inspecte
l'emplacement de la vilaine blessure pour voir que la cicatrisation
était quasi-complète.
_ Dans quelques
jours, il n'y paraîtra plus.
_ Parfait... De
toutes manières, je dois rejoindre les miens, au-dessus de Valamour.
_ Pourquoi ????
Les Cornesdâges élégantes ne vont pas aussi loin, dans le Nord,
d'habitude !
Le cheval ailé
écarte ses ailes. Il s'arrange pour qu'aucune plume ne puisse
échapper à la sagacité des humains.
_ Mince alors....
Tu es une Cornesdâges à plumes bleues !
_ Tu vois quand tu
veux !
_ Comment se
fait-il que tu sois arrivée, jusque là ?
_ Disons qu'ils
nous arrivent de somnoler sur les courants ascendants. C'est ce que
j'ai fait.... Sauf qu’Éternité m'a trouvé plus rapidement que le
réveil. Je me suis crashé sur l'un de vos arbres... Désolé....
_ Il n'y a pas de
mal...
La scène se fait
de plus en plus lointaine. Le voile se referme.
4 décembre
2015
Touts droits réservés.
Autre univers tellement plus sympathique !
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