La Jonchasse
Le voile se lève sur un endroit à la
lumière tamisée. A côté de lui, quelqu'un bouge. Interloqué, il
regarde tout autour de lui. Il est couché dans un lit, avec une
jeune femme dont le visage lui est très familier. Au-dessus de lui,
il remarque la présence de grosses branches et de branches plus
petites. Toutes semblent soutenir la toiture en chaume. Les branches
se terminent en grappes de feuilles luminescentes bleues et en
fruits.
_ Bonjour, chéri....
Il reporte son attention sur le visage
familier. Elle a les yeux grands ouverts, un large sourire et
plusieurs mimiques qu'il reconnaît aisément.
_ Bonjour, chérie.... On est où, là ?
_ Chez nous... Où veux-tu que l'on
soit ?
_ C'est quoi cet arbre ?
Elle rigole puis elle pose sa main sur
son front.
_ Pourtant, tu n'as pas de fièvre ????
C'est le Tyllis lumineux qui porte notre cocon et qui en est le cœur.
Elle cueille deux fruits violets. Elle
en mange un puis elle tend le deuxième.
_ Tiens, tout redeviendra clair en
ayant goûté à ça.
Le rêveur goûte à ce fruit. La
jeune femme se lève puis s'étire. Il la contemple amoureusement car
ce corps, il l'admire, depuis des années. Elle finit par le voir.
_ Je te reconnaît bien là.....
Debout, mon chéri.... Le soleil ne nous attendra pas.
Il se lève. Il contourne le lit. Ils
s'enlacent. Ils s'embrassent et se caressent.
_ ça à l'air aussi réel que....
Elle lui sourit. Elle lui prend la
main.
_ Allons se laver !
Elle ouvre un rideau qui fait office
de porte. Ils sortent de leurs maison.
_ Mais on est nus comme des vers !
_ Tu vas bien, ce matin.... ça fait
des années qu'on va se laver, dans cette tenue.
Elle le dévisage comme si elle le
prenait pour un fou. Ils reprennent leurs marches. Des volutes de
fumées sortent de leurs bouches. Pourtant, personne n'a l'air
d'avoir froid. La plante de leurs pieds nus foule de l'herbe
humidifiée par la rosée du matin. Du coup, notre rêveur en profite
pour mieux regarder les lieux, en se comportant le plus naturellement
du monde. Il voit une petite dizaine de maisons circulaires. Les mûrs
sont en pierres. Elles n'ont pas de fenêtres et ont toutes en leurs
cœurs, un tronc qui s'élève. L'arbre en question est beaucoup plus
grand qu'un peuplier. Son feuillage ressemble beaucoup à celui du
chêne mais ses fruits sont nombreux et variés. Ils sont bien loin
de ressembler au gland.
_ Tu ne vas pas me dire que tu ne
reconnais pas, ta patrie, La Jonchasse ?
_ Bien sûr que non...
Ils arrivent devant une grosse
cascade. Ils contournent de gros rochers puis ils marchent sur de
beau blocs de pierres avant de s'immerger dans la retenue d'eau qui
découle de la cataracte. La jeune femme prend une espèce de bol que
l'on devine fait de végétal. Elle plonge la main dedans puis elle
se malaxe le cuir chevelu, avec le gel pris. Le rêveur fait de même.
Pour se rincer, tous les deux s'immergent totalement. Ensuite, ils
grimpent sur un gros rocher plat. Là, ils s'enduisent d'un produit
jaune-orangé, qui se trouve dans un autre bol. Une fois que tous le
corps en a reçut, ils s'embrassent puis ils attendent quelques
instants. Enfin, ils plongent dans l'eau. Ceci fait, ils ressortent
de la cascade juste à côté d'un flux d'eau qui continue son
chemin. Sans se sécher, ils rentrent chez eux.
Un clignement d'images plus tard, le
couple marche, main dans la main, avec d'autres villageois. Ils sont
habillés mais pieds nus. Tous arrivent devant l'entrée d'une
grotte, située en contrebas du village. Là, quelques charrettes
s'avancent. Elles n'ont ni roues, ni cheval pour se déplacer. Elles
sont juste pilotées via une télécommande de contrôle pour les
activer ou les désactiver. D'énormes quantités de fruits et de
légumes y sont déposées.
_ Direction Perle, maintenant.
_ C'est qui Perle ?
_ Tu sais bien... Le cœur de notre
civilisation.
Le convoi emprunte un sentier
caillouteux qui descend en pente douce. De part et d'autres, la
végétation est luxuriante et colorée. Une multitude d'animaux
vaquent à leurs occupations. Sans savoir pourquoi, le défilé
d'images s'accélèrent. On voit le convoi arriver à un croisement,
puis longer une rivière de bonne largeur. Enfin, ils arrivent, non
loin d'une ville. Le défilé reprend sa vitesse normale. Ils
traversent un petit pont de pierres puis un second, moins de cent pas
plus loin.
La ville est enfin là. Elle trône au
milieu d'une île entourée par les eaux de trois rivières.
_ Les Jonchassines fusionnent, ici.
Elles vont ainsi former La Jonchasse.
_ Ils sont nombreux à vivre là ?
Elle éclate de rire.
_ J'espère que tu le fais exprès mais
tu sais bien que personne ne vît là.
Les autres villageois lui lancent de
gros yeux. Le convoi entre dans la dite ville par la seule rue. En
tout, Perle est constituée d'une douzaine de bâtisses. Les
charrettes stoppent, au bon milieu de la rue. Des rails signalent que
des trains passent par là.
_ Il n'y a plus qu'à attendre.
_ Quoi ?
_ Tu sais bien ? Nos fruits et
légumes sont attendus à Densréa et Valamour.
D'autres charrettes se joignent à
eux. Elles proviennent d'autres villages. Naturellement, on se salue.
_ Vous avez été voir si on a des
messages ? Si les sismographes ont enregistrés quelques
choses ?
_ Bonne idée, tiens.... Pierre et Maïa
vont y aller ! Comme ça, Pierre pourra se remettre en phase
avec nous.
La jeune femme serre la main de son
amant avant de l'entraîner, loin de la foule.
Un clignement d'images plus tard, le
couple se trouve dans un bâtiment gigantesque, en pierres. De forme
circulaire, il est dominée par un large dôme finement sertis d'or
et couvert de dessins à vocations astronomiques. Le centre de
l'édifice est occupé par une espèce de table gigantesque de forme
circulaire. La jeune femme active un ensemble impressionnant de
technologies.
_ Wow... Pourquoi faut-il se rendre,
sur cette île, pour voir votre savoir-faire ?
_ Tu as aujourd'hui, décidé de passer
pour un débile ou quoi ?
Plusieurs hologrammes trônent
au-dessus de la dite table. Le plus gros d'entre eux est de forme
circulaire. Les tracés forment les contours de continents et d'îles.
_ Qu'est-ce qui est arrivé à la
Terre ?
Immédiatement, sa compagne le scrute
avec de gros yeux. De plus en plus, elle trouve le comportement de
son amant comme suspect.
_ Il y a plus de sept mille ans que
nous avons quitté la Terre. Ici, tu es sur Lyaluamma. En Jonchasse,
où notre peuple vît en symbiose avec le Tyllis lumineux et où nous
foulons nos terres, pieds nus, été comme hiver. Maintenant, s'il
vous le voulez bien, cher ami, j'aimerai bien récupérer mon
amoureux !
_ Mais, naturellement.
Pour donner le change, il reporte son
attention, sur un écran virtuel, où défilent une multitude
d'informations qu'il arrive à déchiffrer. Il
remarque la présence d'une dépression gigantesque dénommée
Éternité, au-dessus de Tallyrra, une île isolée au milieu du
Grand Océan.
_ Il y en a qui
doivent morfler ?
La jeune femme
regarde les données concernant la fameuse tempête.
_ Pas plus que
d'habitude.... D'ailleurs, je pense qu'on ira, prochainement, les
voir....
La terre se met à
trembler. Les deux tourtereaux se blottissent l'un contre l'autre,
sans avoir peur de l’événement. Malgré sa force, la secousse
n'ébranle même pas l'imposante bâtisse.
_ ça va ?
_ Oui... Je ne me
rappelle pas, en avoir ressentie une, aussi puissante ?
Immédiatement, on
regarde les données.
_ Six et demi....
Épicentre à une vingtaine de kilomètres d'ici, au cœur de la
Jonchassine métallique.
_ Des dégâts à
craindre ?
_ Ce n'est pas
dit.... Je vais contacter toutes les salles communes.... Pour voir si
j'ai un retour....
_ Plus forte
secousse depuis deux mille cinq cent ans !
La carte de la
Jonchasse apparaît sur un nouvel écran... Et en 3D. Le rêveur y
voit très bien les trois Jonchassines serpenter depuis leurs
sources, dans les montagnes dont l'agencement semble former un U.
Toutes les trois se rejoignent autour de Perle, avant de continuer
leurs chemin en direction du Nord puis Nord-Ouest. Rapidement, les
premiers points lumineux apparaissent. Souvent, ils sont plutôt
proche de la fameuse capitale.
_ Je commence à
avoir des retour.
Petit à petit,
les points lumineux s'éloignent vers les extérieurs de la Nations.
_ Parfait, à
priori, il ne manque personne.
Le rêveur ne sait
pas pourquoi mais toujours est-il qu'il tomba, à la renverse. Le
voile se ferma sur ce monde et Pierre se réveilla, au bon milieu de
la nuit, chez lui. Il jette un coup d'oeil pour constater que son
épouse dort paisiblement. Il l'embrasse, sur le front, puis il
regarde l'heure avant de se rallonger puis de refermer ses yeux.
9 novembre
2015
Touts droits réservés
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